Un festival de musiques du voyage aux Saintes Maries de la mer, apparaît comme une évidence …
Les visiteurs, attirés par la renommée du village dans le monde entier, s’attendent à entendre de la musique « gitane », à tous les coins de rues et toute l’année. C’est en effet un peu le cas, dans un certain nombre de restaurants, mais jamais en concerts. Et la musique qui est proposée est souvent du même registre, et ne permet pas d’aborder toute la diversité de la création musicale du peuple du voyage.
La première édition d’Accordanses nous a permis de réussir le pari de proposer un répertoire diversifié, à l’image de la richesse de cette culture musicale.
Le titre générique de «gens du voyage» recouvre en réalité plusieurs populations issues de contrées et de cultures différentes.
Les gitans viennent essentiellement d’Espagne à qui ils ont donné le meilleur de l’art flamenco, de célèbres danseurs (Luisillo, Lola Flores…) et à la France un guitariste inspiré : Manitas de Plata.
Les Roms, originaires d’Europe Centrale, étaient chaudronniers, rétameurs.. Ils se sont dispersés dans le monde entier, jusqu’au Canada, ou en Australie…, transportant avec eux les musiques de leurs origines.
Les Manouches et leurs cousins, les Sinti étaient vanniers, forains, ou artistes de cirques (la famille Bouglione par exemple ). Ils viennent d’Allemagne et du Piémont. Tous ont une véritable passion pour la musique et c’est parmi eux que se recrutent les virtuoses des célèbres orchestres tziganes. C’est aussi parmi eux que l’on trouve les musiciens de «jazz manouche», qui dans les années 50, était considéré comme le «jazz français».
Le festival se veut être la vitrine de ces différentes expressions artistiques : la programmation sera à chaque fois variée, avec un répertoire qui pourra aller des musiques traditionnelles à la création contemporaine, en passant par le flamenco ou la musique classique.
Le point commun : donner à découvrir la création des gens du voyage.
L’héritage de l’histoire
Les gens du voyage viennent aux Saintes Maries de la mer depuis des siècles.
On ignore à quelle date, ils ont commencé à fréquenter le sanctuaire camarguais, mais il est probable que dès leur arrivée, au XV ème siècle, certains groupes tziganes se rendaient aux célèbres foires de Beaucaire. Et de de là descendaient jusqu’en Camargue à l’époque des pèlerinages.
C’est seulement vers le milieu du XIX ème que la presse et les écrivains s’intéressent à leur présence. Racontant son pèlerinage en 1855, Mistral écrit : «L’église était bondée de gens du Languedoc, de femmes du pays d’Arles, d’infirmes, de bohémiennes… Ce sont d’ailleurs, ces dernières qui font brûler les plus gros cierges mais exclusivement à l’autel de Sara.».
En 1935, le marquis de Baroncelli et quelques chefs gitans de la région obtinrent d’organiser une procession en l’honneur de Sara, en donnant au pèlerinage son pittoresque fervent qu’on lui connaît aujourd’hui.
Certes, le temps n’est plus où ils arrivaient en brinquebalant sur les routes du delta les vieilles roulottes aux couleurs vives qui enchantaient Van Gogh.Et pourtant c’est le même peuple qui, avec la même ardeur communicative, remplit les rues, les places du village : diseuses de bonne aventure, maquignons, vanniers, musiciens… tous sont sont là pour le pèlerinage.
C’est ce rassemblement annuel qui a fait la réputation mondiale du petit village des Saintes Maries de la mer. Dans l’inconscient collectif des visiteurs, le lieu résonne toute l’année aux sons des guitares et des violons tziganes et la musique anime les rues en toutes saisons.
En réalité, même pendant le pèlerinage de mai, le village ne présente pas l’ambiance musicale que les visiteurs s’attendent à trouver, et qui l’a fait connaître dans les années 70.
Pourtant la création musicale des gens du voyage est féconde et diverse : flamenco, musique traditionnelle, jazz manouche… Sa richesse vaut bien qu’elle ait son festival.
Et quel meilleur endroit que celui où les gens du voyage se retrouvent chaque année depuis plusieurs siècles pour honorer leur sainte patronne Sara.